Tout était planifié. Ce week-end s'annonçait génial. Je partais avec ma vieille complice, Patricia Tessier. Road trip et marathon au menu. Mon amie avait été qualifiée, pour la 2ème fois, au Marathon de Boston. Celui de 2013 avait une signification bien particulière pour toutes les deux: ma gazelle courait son premier marathon post-embolie pulmonaire et moi mon premier bain marathonien comme supporter de notre longue amitié.
Boston, la magnifique, est en effervescence. On sent l'excitation des gens des 4 coins du monde venus courir l'un des plus prestigieux marathon du monde. La ville a revêtue ces plus beaux atours. Tout est rodé au quart de tour. C'est si impressionnant de voir cette organisation qui reçoit plus de 25 000 coureurs pour l'occasion. Ils sont des milliers de bénévoles, d'amis, de familles à s'être déplacer pour venir applaudir ces coureurs, qui le jour J, donneront tout ce qu'ils ont.
Je regarde l'heure, tout juste 12h30. Je remonte la rue pour aller manger un morceau et trouver des fleurs pour mon amie. Suis admirative devant tant de ténacité et de discipline. Des gens de tous les âges sont présents et sont en compétion avec eux-mêmes. Pas besoin de voir ce que l'autre fera. Comme le chemin de Compostelle, chacun a ses propres objectifs. C'est fou de voir des non-voyants et leurs guides, un jeune autiste accompagné, des gens formant des équipes et que dire des Hoyt qui année après année sont présents. C'est si inspirant, motivant et surtout porteur de bonheur. Je prends quelques minutes et me dis à moi-même: "Je suis en pleine santé, moi aussi je peux." Mes pensées convergent vers une conversation avec une amie à un anniversaire qui me dit:" Moi j'aimerais faire demi-marathon des princesse de Disney!" Oui, moi aussi je peux, je veux et je vais le faire. C'est aussi cela Boston: des moments d'inspiration.
Je m'approche de la rue Boylston si impatiente d'accueillir mon amie. Je suis impressionnée de l'ambiance qui y règne. Les gens sont enthousiastes et encouragent à plein poumons. Je suis emportée par l'élan de solidarité qui y règne. Je regarde ma montre et les coureurs qui défilent victorieux: ils ont réussi. C'est émouvant de voir, d'entendre, d'être là, présent et témoin d'un si bel événement. J'aperçois Patricia et crie à tue-tête son nom. L'émotion me gagne et je cours au point de rencontrer accueillir à bras ouverts, mon amie triomphante. Je n'ai pas attendu. Trop hâte de la retrouver et partager ce moment unique.Moment magique où je partage larmes de joie, l'exploit de l'une des 25 000 personnes inscrites à ce défi. Il fait froid. L'instant d'une photo, on immortalise le moment. On fixe la joie de la réussite qui se lit sur son visage. Nous rentrons à l'hôtel, bras-dessus, bras-dessous. Ce soir nous allons célébrer le courage, la détermination, l'amitié, la santé, la vie.
Je me rappelle encore l'instant où alertée par le bruit des sirènes je questionne. Je sais à ce moment que quelque chose ne tourne pas rond. Sur le coup Patricia se fait rassurante en disant: " c'est courant que des gens s'effondrent à la fin d'un marathon. Ils ont tout donné" Mais un doute persiste par l'ampleur des véhicules qui défilent, le son strident des sirènes souvent mauvaises messagères. D'où nous sommes, du haut de notre étage, nous les voyons courir les rues. J'ouvre la télé. Nous sommes sidérées devant les images qui occupent tous les réseaux locaux. C'est dans le silence, en symbiose que nous réalisons que nous sommes au cœur d'un événement tragique, historique et que l'heure des réjouissance vient de se transformer en moments douloureux,. Partager entre la colère et le soulagement d'être rentrée si vite. Et si ? Et si Patricia avait fait le temps prévu ? Et si j'étais restée plus longtemps parmi la foule ? Et si ? Et si ? Je regarde les images. Je suis sans mot. Je revois ma position exacte. Je revois le lieu de l'explosion. Je le vois très bien. J'y étais quelques minutes auparavant à peine. Me montent à la tête les images des familles réunis, des enfants aux premières loges. Je suis consternée, profondément blessée de constater la bêtise humaine. En quelques secondes la vie de plusieurs personnes s'est écroulée. En quelques secondes tout bascule. En quelques secondes le monde entier s'empare de la nouvelle. On nous bombarde d'images parfois à peine supportables. Je suis déjà sollicitée par les médias via Facebook par lequel nous rassurons nos proches, nos amis de notre bonne situation. Pourtant le silence m'habite. Rien à dire. J'ai mal à l'âme.
Encore aujourd'hui, je me questionne: Et si ? Premier statut Facebook après la course: 14:31. Explosion, 14:49. Et si ?
Si seulement on pouvait vacciner contre la bêtise humaine…
Merci d'avoir trouvé les mots pour décrire et réfléchir sur l'innommable.
RépondreEffacerPas évident de raconter ce que vous avez vécu là bas!
RépondreEffacerJ'y étais il y a 2 ans ... avec Patricia que j'ai loupé, et c'est vraiment inimaginable de voir çà!
Bel article en tout cas!