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jeudi 18 avril 2013

Boston 2013: Et si ?



Tout était planifié. Ce week-end s'annonçait génial. Je partais avec ma vieille complice, Patricia Tessier. Road trip et marathon au menu. Mon amie avait été qualifiée, pour la 2ème fois, au Marathon de Boston. Celui de 2013 avait une signification bien particulière pour toutes les deux: ma gazelle courait son premier marathon post-embolie pulmonaire et moi mon premier bain marathonien comme supporter de notre longue amitié.

Boston, la magnifique, est en effervescence. On sent l'excitation des gens des 4 coins du monde venus courir l'un des plus prestigieux marathon du monde. La ville a revêtue ces plus beaux atours. Tout est rodé au quart de tour. C'est si impressionnant de voir cette organisation qui reçoit plus de 25 000 coureurs pour l'occasion. Ils sont des milliers de bénévoles, d'amis, de familles à s'être déplacer pour venir applaudir ces coureurs, qui le jour J, donneront tout ce qu'ils ont.

 Le 15 avril je quitte donc notre hôtel de la rue Huntington tout juste à une rue en haut de Boylston, tout près du fil d'arrivée. Il est midi et je me rends au point le plus près que je puisse accéder afin de voir rentrer les "pros". Ceux qui en 2 heures et des poussières passent la ligne d'arrivée. Il y une marée humaine qui applaudissent ces champions de longues distances. Il fallait y être pour comprendre toute la signification qu'a cet événement. Des écrans géants installés au beau milieu de la rue, nous transmettre des images des gagnants et gagnantes de cette course. La foule applaudit et reconnait la force de ces athlètes. L'heure est aux premières célébrations et les communautés diverses encensent leurs champions. Wow! Quel baptême !
 
Je regarde l'heure, tout juste 12h30. Je remonte la rue pour aller manger un morceau et trouver des fleurs pour mon amie. Suis admirative devant tant de ténacité et de discipline. Des gens de tous les âges sont présents et sont en compétion avec eux-mêmes. Pas besoin de voir ce que l'autre fera. Comme le chemin de Compostelle, chacun a ses propres objectifs. C'est fou de voir des non-voyants et leurs guides, un jeune autiste accompagné, des gens formant des équipes et que dire des Hoyt qui année après année sont présents. C'est si inspirant, motivant et surtout porteur de bonheur. Je prends quelques minutes et me dis à moi-même: "Je suis en pleine santé, moi aussi je peux." Mes pensées convergent vers une conversation avec une amie à un anniversaire qui me dit:" Moi j'aimerais faire demi-marathon des princesse de Disney!" Oui, moi aussi je peux, je veux et je vais le faire. C'est aussi cela Boston: des moments d'inspiration.

 Mon amie Patricia m'avait inscrite en ligne afin que je puisse suivre son temps sur le parcours. Je sais que son objectif à elle est de faire un temps sous les 3h55. Ce serait une requalification automatique pour elle, une victoire sur la bataille livrée ces derniers mois. A chaque message texte qui entre, je suis transportée par sa constance, sa détermination. Si sa tendance se maintient, elle devrait rencontre sous ses objectifs. A ma grande surprise, vers les 13h, elle passe le 30e km! Je sais que la fin du parcours est une étape difficile. Demandez à tous les coureurs, le mur survient toujours dans cette section du trajet. Et Boston termine le marathon avec 4 côtes à gravir. La dernière ayant pour nom "Heatbreak hill".  Le physique n'est plus le seul vecteur de la course. La tête devient le meilleur allié du coureur.

Je m'approche de la rue Boylston si impatiente d'accueillir mon amie. Je suis impressionnée de l'ambiance qui y règne. Les gens sont enthousiastes et encouragent à plein poumons. Je suis emportée par l'élan de solidarité qui y règne. Je regarde ma montre et les coureurs qui défilent victorieux: ils ont réussi. C'est émouvant de voir, d'entendre, d'être là, présent et témoin d'un si bel événement. J'aperçois Patricia et crie à tue-tête son nom. L'émotion me gagne et je cours au point de rencontrer accueillir à bras ouverts, mon amie triomphante. Je n'ai pas attendu. Trop hâte de la retrouver et partager ce moment unique.Moment magique où je partage larmes de joie, l'exploit de l'une des 25 000 personnes inscrites à ce défi. Il fait froid. L'instant d'une photo, on immortalise le moment. On fixe la joie de la réussite qui se lit sur son visage. Nous rentrons à l'hôtel, bras-dessus, bras-dessous. Ce soir nous allons célébrer le courage, la détermination, l'amitié, la santé, la vie.
 
Je me rappelle encore l'instant où alertée par le bruit des sirènes je questionne. Je sais à ce moment que quelque chose ne tourne pas rond. Sur le coup Patricia se fait rassurante en disant: " c'est courant que des gens s'effondrent à la fin d'un marathon. Ils ont tout donné" Mais un doute persiste par l'ampleur des véhicules qui défilent, le son strident des sirènes souvent mauvaises messagères. D'où nous sommes, du haut de notre étage, nous les voyons courir les rues. J'ouvre la télé. Nous sommes sidérées devant les images qui occupent tous les réseaux locaux. C'est dans le silence, en symbiose que nous réalisons que nous sommes au cœur d'un événement tragique, historique et que l'heure des réjouissance vient de se transformer en moments douloureux,. Partager entre la colère et le soulagement d'être rentrée si vite. Et si ? Et si Patricia avait fait le temps prévu ? Et si j'étais restée plus longtemps parmi la foule ? Et si ? Et si ? Je regarde les images. Je suis sans mot. Je revois ma position exacte. Je revois le lieu de l'explosion. Je le vois très bien. J'y étais quelques minutes auparavant à peine. Me montent à la tête les images des familles réunis, des enfants aux premières loges. Je suis consternée, profondément blessée de constater la bêtise humaine. En quelques secondes la vie de plusieurs personnes s'est écroulée. En quelques secondes tout bascule. En quelques secondes le monde entier s'empare de la nouvelle. On nous bombarde d'images parfois à peine supportables. Je suis déjà sollicitée par les médias via Facebook par lequel nous rassurons nos proches, nos amis de notre bonne situation. Pourtant le silence m'habite. Rien à dire. J'ai mal à l'âme.

 Nous étions dans le périmètre de sécurité. Nous avons été confinées à notre chambre malgré notre désir de partir rapidement. Il était à peine 17 heures. La ville, le pays est en état d'alerte. Nous réussirons après quelques heures de sommeil à pouvoir quitter. « 5 minutes » me lance Patricia qui est allée aux nouvelles. Nous avons 5 minutes pour quitter. Nous serons escortées à notre voiture. Le concierge de l'hôtel ira parler aux barrières établies par les policiers et nous quitterons les lieux, en route vers la maison.
 
Encore aujourd'hui, je me questionne: Et si ? Premier statut Facebook après la course: 14:31. Explosion, 14:49. Et si ?
 
Ce dont je me souviens et me souviendrai, c'est encore tous ces gens solidaires venus encourager les leurs. Tous ces gens qui pendant 42 km se dépassent personnellement. Tous ceux qui ont dû renoncer à leur rêve de terminer leur course. Tous ces bénévoles qui spontanément ont porté secours sans savoir s'ils étaient en sécurité. Je refuse de ne voir que le côté sombre de cette tragédie.  J’espère que le bon triomphera.  Que le sport continuera à réunir sans aucunes distinctions les gens du monde entier.
 
Si seulement on pouvait vacciner contre la bêtise humaine…

 Merci mon amie